Voici une guitare qu’on a peu l’occasion de voir. Mais attention : un seul regard et c’est le coup de foudre.
Visuellement , la Gibson WRC me fait penser à une Corvette des années ’70. La couleur rouge un rien lavé, le savant mélange d’arrondis du corps stratoïde, et d’agressivité via la tête pointue et aiguisée. Son nom renvoie aussi au monde de l’automobile, sauf qu’en fait, « WRC » n’est pas du tout une référence aux sports moteurs (World Rally Championship), mais bien aux initiales du créateur de la guitare : Wayne Richard Charvel.
Oui, Wayne Richard Charvel, le créateur de la marque Charvel ! Que fait-il chez Gibson ? Une page d’histoire est nécessaire.
Wayne Charvel Richard Charvel a créé son atelier dans les années ’70. Il répare et modifie des guitares, surtout des Fender, et il se forge une solide réputation en matière de customisation avant de se lancer dans la fabrication de ses propres modèles. Mais le business n’est pas rentable. En 1978, proche de la faillite, Wayne Charvel revend sa boite à Grover Jackson. Celui-ci fonde la marque Jackson tout en conservant la marque Charvel. Il parvient à redresser la boîte Charvel/Jackson, notamment grâce aux contacts qu’il entretien avec un certain Randy Rhoads, contacts qui ont permis la création de son modèle signature.
Wayne Charvel quitte la société et continue son activité de luthier. Il arrive un beau jour chez Gibson, dans la seconde moitié des années ’80. Il y reste 3 ans. Pendant cette période, il aide Gibson à concevoir des modèles avec un objectif : profiter de l’essor d’un style musical nouveau, porté par des guitaristes chevelus et très habiles de leurs doigts. La fin des années ’80 c’est l’âge d’or des shreddeurs et des débouleurs de manches de tout poil. Et moi, je ne m’en suis jamais caché, j’adore cette période jouissive de l’histoire du rock et du metal !
Wayne Charvel crée la Gibson WRC, tout à fait dans l’air du temps : un superstrat de dingue, avec manche érable vissé et Floyd Rose. Oui oui, une Gibson avec un manche vissé et un Floyd ! Mais Grover Jackson se rappelle alors au bon souvenir de Wayne Charvel en contactant Gibson. Jackson est fâché que le nom de sa marque Charvel profite au concurrent, et il fait un procès à Gibson, et Gibson le perd. Non, Gibson ne peut pas utiliser le nom, ni même les initiales de Wayne Charvel sur ses guitares. Ce droit appartient désormais entièrement à Grover Jackson et aux guitares qu’il produit, Wayne Charvel l’a totalement cédé à Jackson au moment de la revente en 1978. Après un an et demi de production, Gibson doit donc laisser tomber la production de la WRC. Il reste ce véritable chaînon manquant qui fait le lien entre la marque Gibson et l’esthétique et la conception des superstrats.
Gibson continuera ensuite pendant encore quelques années à essayer de profiter du marché des superstrats, sans jamais vraiment y arriver, malgré les modèles US-1, U-2, M-III, … généralement bien pensés, mais en décalage par rapport à l’image traditionnelle de Gibson.
Après ces quelques infos historiques, revenons à la guitare 🙂
En s’attaquant à ce segment de marché, on sent que Gibson a voulu bien faire les choses. Je suis frappé par l’épaisseur de la touche ébène. On ne voit plus ça de nos jours. Diverses lectures sur Internet semblent indiquer que toutes les WRC ont réellement été fabriquées par Wayne Charvel, avec ses mains, à lui, les siennes … 🙂 Presque 30 ans après sa construction, cette guitare continue à donner envie de s’acheter un spandex : à part quelques petits coups dans la peinture, elle n’a pas bougé, et elle défend toujours les couleurs du shred, du glam et du hair metal ! Avec une facilité de jeu déconcertante.
Les micros sans plots font penser à des pavés EMG, mais il s’agit bien de passifs, qui n’ont rien à voir avec EMG … je n’ai pas trouvé d’info probante sur ces micros. Certaines rumeurs les attribuent à Bill Lawrence, ça colle puisqu’il est passé par Gibson à la fin des années ’80. Ils donnent une apparence un peu « cheap mais sympa » à la guitare je trouve, un peu comme sur certaines Jackson premier prix des années ’90. Mais ça sonne ! Un bon gros humbucker qui envoie la purée, clair et présent. Deux simples de construction « stack » pour annuler le bruit de fond. Peut-être deux petites réserves sur les micros et l’éléctronique … D’abord il y a une différence de niveau marquée entre le humbucker et les simples. Le micro chevalet va à la guerre et vit pour tuer, les simples sont en retrait avec un niveau de sortie vintage. Malgré des réglages de hauteur de micros, je n’arrive pas à amener les simples là où se trouve le double. Pas de quoi s’inquiéter néanmoins, ceci est assez standard comme problème sur des configurations HSS, et ça n’enlève rien aux qualités de ces simples très agréables. Ensuite, un mini-switch on/off par micro. Ca permet toutes les configurations mais si on veut par exemple passer du micro chevalet au micro manche, ça demande deux manipulations de switches, ce qui ne me semble pas optimal comme solution. Le humbucker est également splitable, et c’est plutôt bien réussi.
Au sujet du Floyd Gotoh sous licence : il s’agit d’un modèle plutôt rare avec des sortes de pattes qui serrent la corde juste derrière le pontet. Les cordes se montent par l’arrière du corps en conservant la boule, et click ! la patte la fixe bien solidement pour que rien ne bouge. C’est un tout petit peu moins stable que les Floyd habituels et plus récents, peut-être aussi à cause du bloque corde qui se trouve derrière le sillet, et pas à la place du sillet, mais ça reste du Floyd et c’est très correct.
Bref, une bonne petite trouvaille cette Gibson WRC. Elle donne envie de jouer, de bien jouer, et j’aime beaucoup.
Commentaires récents